Chapitre publié le 17 mai 2021
Où est le problème ?
De plus en plus de personnes se définissent comme « non binaires » ou « gender fluid » (parfois francisé en « genderfluides »). Pour beaucoup de journalistes, ces notions restent une énigme. Il est pourtant crucial de se pencher sur ces identités, qui concernent 14% des 18-44 ans en France, selon une étude menée par L’Obs et Yougov.
De quoi parle-t-on ?
Le 15 mars 2019, Sam Smith a annoncé dans une interview à la comédienne Jameela Jamil, se sentir genderqueer et non-binaire. « Je ne suis pas un homme ou une femme. Je pense que je flotte quelque part au milieu », a déclaré l’artiste. La non-binarité recouvre un ensemble d’identités qui ne se reconnaissent pas exclusivement dans un genre, féminin ou masculin. Les termes « gender fluid » renvoient pour leur part au sentiment d’une identité de genre fluctuante dans le temps. Attention : ces « étiquettes », qui revêtent chez certain·e·s un caractère politique, ne sont pas des synonymes d’intersexuation ou transidentité.
Pour beaucoup de journalistes, la complexité apparente des notions de non-binarité ou de fluidité de genre est accentuée par la richesse des pronoms et adjectifs utilisés par les personnes concernées pour se définir. Or, quelques règles simples permettent de parler de la non-binarité et de la fluidité de genre avec respect.
Il s’agit également pour les journalistes d’être en mesure d’aborder avec justesse les identités de certains groupes autochtones, comme les two-spirit en Amérique du Nord ou les hijra d’Asie du sud, en sortant d’un prisme “occidental” voire néocolonialiste. Ces identités, quand elles font partie d’un reportage, ne doivent pas être assimilées à simplement la transidentité ou la non-binarité. Ce sont des identités distinctes qui doivent être comprises dans leur contexte culturel.
Choisir les bons mots !
Un pronom et des termes à respecter
Pour parler respectueusement des personnes non binaires et « gender fluid », il convient d’utiliser les pronoms, termes et adjectifs utilisés par ces dernières pour se définir. Pourquoi les contester ou les remettre en cause ? Cette tendance est l’objet de nombreuses crispations et cristallise la défiance envers les médias.
Il est préférable de demander dès que possible à une personne non binaire ou « gender fluid » les pronoms qu’elle utilise (« Quels sont vos pronoms ? »), ceci afin d’établir d’emblée une bonne relation avec son interlocuteur⋅ice. Le pronom le plus couramment associé aux personnes non binaires est « iel » accordé par le biais de l’écriture inclusive. Certaines personnes utilisent « elle » ou « il », d’autres encore alternent différents pronoms, et il existe d’autres pronoms comme « ol » et « ael ». Les anglophones utilisent souvent « they » et « them ».
L’écoute et le respect sont également de mise pour prendre en compte d’autres termes ou adjectifs (« agenre », « demigenre », « genderflux », « neutrois », « polygenre »…). Cela nécessite parfois un peu de pédagogie en début d’article – en veillant à ne pas plaquer des généralités sur des individus. Il suffit d’ailleurs parfois d’un lien pour ne pas alourdir l’article.
« Non binaire » ou « non genré » ?
Les adjectifs « genderfluide » et « non binaire » désignent des personnes. On préférera à l’inverse les termes « non genré » ou « mixte » pour qualifier une éducation, un événement, des jouets, des vêtements… ou des toilettes publiques.
Non-binarité et expression de genre
Certaines personnes non binaires ou genderfluides considèrent, comme d’autres personnes LGBTI, que leur identité de genre n’est pas obligatoirement liée à leur « expression de genre », c’est-à-dire à leur apparence physique ou leurs vêtements par exemple. Comme tout le monde, une personne non binaire se coiffe ou s’habille comme elle l’entend, sans que cela ne remette en cause son identité.
Ne pas résumer la question à une « mode »
Trop souvent, dans les médias, la fluidité de genre et la non-binarité se trouvent assimilées à un phénomène de mode à faire décortiquer par des sociologues voire par des psychiatres. Si la question est davantage abordée aujourd’hui par les journalistes, les personnes non binaires et genderfluides ont des identités à part entière qui, pour beaucoup, ne sauraient être réduites à une « tendance de jeunes ». S’il peut y avoir une volonté politique de « casser les stéréotypes de genre », c’est un combat que l’on retrouve aussi chez les militantes féministes et LGBTI.
Pour aller plus loin…
Pour mieux comprendre les identités des personnes non-binaires, l’AJL recommande ces différents articles :
Neuf jeunes personnes non-binaires expliquent ce que représente leur identité (en anglais)
Vivre une transition non-binaire : le parcours de Gabe
Ni homme ni femme : 14% des 18-44 ans se disent non-binaires