Faits divers et personnes LGBTI : moins de sensationnalisme, plus de respect

Chapitre publié le 17 mai 2021

Où est le problème ?

Statistiquement, les personnes LGBTI ont plus de risques que les autres d’être agressées ou assassinées. Dans un sondage publié en mai 2019, 7% d’entre elles déclarent avoir été victimes de violence au cours de l’année précédente. À titre de comparaison, on estime que 2,5% de l’ensemble de la population a subi des violences physiques ou sexuelles en moyenne chaque année entre 2011 et 2018*. De plus, chaque année, plus de 300 personnes trans sont assassinées dans le monde. Rien d’étonnant, alors, à ce que nos histoires se retrouvent régulièrement dans les rubriques « faits divers ».

Médiatiser ces agressions, ces meurtres, est important. Pour informer le public de ces réalités mais aussi parce que, parfois, cela permet de faire bouger les choses et de faire évoluer le droit en faveur des personnes LGBTI. Cependant nous constatons que trop souvent, les personnes lesbiennes, gays, bies, trans ou intersexes, qu’elles soient victimes ou mises en causes, sont stigmatisées dans ces pages en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Que ce soit par manque de connaissances, d’intérêt ou par envie de sensationnalisme, à la violence des faits vient s’ajouter le manque de respect lié à un mauvais traitement journalistique.

Voici quelques conseils pour relayer ces faits divers avec justesse et avec respect.

Choisir les bons mots !

Les insultes en titre, non merci
La reproduction des injures dans les titres n’est pas une pratique couramment observée pour les agressions racistes ou antisémites. Mais régulièrement, dans la presse, les titres comportent in extenso les termes LGBTIphobes proférés à l’encontre de la victime. « “Putains de lesbiennes” : deux jeunes femmes agressées dans le RER », titrait L’Express en février 2018, reproduisant la lesbophobie en gros caractères tout en perpétuant la connotation d’insulte du terme « lesbienne » contre laquelle l’AJL alerte les médias depuis plusieurs années

Il ne s’agit pas de passer les injures sous silence dans l’article. En revanche, est-il nécessaire de faire un titre relayant des injures et d’exposer les lectrices et les lecteurs LGBTI à la violence de mots que la plupart d’entre elles et eux subissent déjà trop souvent ?

Le cas des victimes trans
« Paris : un prostitué travesti tué dans le bois de Boulogne. » Voici comment France Bleu et plusieurs journaux ont relayé le meurtre de Vanesa Campos en août 2018. Même problème en avril 2021, lorsque la plupart des médias ont couvert l’homicide d’un « homme travesti » à Reims. Les femmes trans assassinées sont régulièrement présentées à tort, dans la presse, sous leur précédente identité. Pourquoi ? Parce que dans la plupart des cas, ces articles sont uniquement basés sur l’état-civil transmis aux journalistes par les forces de l’ordre. Or, on le rappelle, les démarches pour faire modifier cet état-civil sont très longues et complexes, d’autant plus pour des personnes souvent en situation de précarité. 

Si la police ou la gendarmerie mentionnent un homme « habillé en femme », ou « un homme travesti », prudence ! Il s’agira bien souvent, malheureusement, d’une femme transgenre. La question est alors de savoir sous quel prénom et pronom se présentait la victime : il convient de présenter une personne trans comme elle a elle-même l’habitude de se présenter. Si les forces de l’ordre ne disposent pas de cette information, il est recommandé de prendre contact avec des personnes qui connaissaient la victime. Ce délai supplémentaire pour publier l’information sera largement compensé par la qualité de l’information publiée. 

Et, pour rappel, on préférera dire « une personne transgenre » ou « une personne trans » plutôt qu’« un·e trans » ou « un·e transgenre ». Quant au terme « transsexuel·le », sauf utilisation par une personne concernée, il est à bannir du discours journalistique. Il est rejeté par beaucoup de personnes trans pour sa connotation médicale, et à ce titre pathologisante. Vous pouvez consulter à ce sujet le chapitre « Respecter les personnes trans » de notre kit.

L’orientation sexuelle ou l’identité de genre n’expliquent rien !
On peut encore lire des sous-entendus dans les articles consacrés à certains suspects. Leur orientation sexuelle ou leur identité de genre semblent accréditer un parcours criminel ou expliquer un comportement déviant, voire violent, et donc constituer une preuve supplémentaire de culpabilité, comme dans ce titre du Parisien le 4 février 2018 : « La bisexualité de Nordahl Lelandais, un axe d’enquête pour la justice ». Un petit rappel qui va vous étonner : être LGBTI n’est pas une maladie mentale ! Si nous ne recommandons évidemment pas de taire l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, il ne s’agit pas non plus de présenter ce fait comme un indice, un élément à charge ou un antécédent. Et si certaines situations de refoulement ou de dissimulation peuvent, dans certains cas, entraîner des comportements de destruction, ce n’est pas aux journalistes d’établir tout lien de cause à effet.

Dans d’autres cas, c’est l’orientation sexuelle d’une personne ou son identité de genre qui la prédestinait à être une victime. Si l’on suit le même raisonnement, c’est la tenue vestimentaire provocante des femmes qui les expose au viol. Rendre visible son homosexualité, en tenant la main ou embrassant son ou sa partenaire, n’est pas une provocation. Aucune victime n’est responsable de son agression, quelle que soit sa tenue vestimentaire ou son comportement. 

Le lien entre homosexualité et pédocriminalité, ça suffit !
« L’homosexuel préférait les petits garçons. » La stupeur a été générale à la découverte de cette une de France-Antilles du 3 février 2021. Devons-nous vraiment le rappeler aujourd’hui ? Oui, visiblement. L’homosexualité masculine n’est pas davantage liée à la pédocriminalité que la pollution atmosphérique au couronnement de Louis XIV. Encore une fois, le fait d’être gay ne constitue aucun élément à charge ou à décharge vis-à-vis de la pédocriminalité.

Pour aller plus loin…

Quelques ressources complémentaires :
« Suicide, comment en parler ? Le programme Papageno » (Santé publique France, 9 janvier 2020) et site du programme Papegeno.
« Notre collègue Vanessa Campos a été assassinée », communiqué d’Acceptess Transgenre », août 2018.

*Rapport d’enquête « Cadre de vie et sécurité » 2019, ministère de l’Intérieur, réalisé à partir d’une enquête dite de « victimation » (p.145).