VIH/sida, comment en parler?

Ce chapitre du kit « Informer sans discriminer » initialement publié en juin 2014, a été mis à jour et augmenté le 29 novembre 2019.

Où est le problème?

L’infection au VIH a trop longtemps été considérée comme une «maladie de pédés», en particulier dans les pays occidentaux. La réalité de l’épidémie dans le monde est bien sûr plus complexe, même si les hommes gays et bis (et plus généralement les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes – ou “HSH” dans le jargon) continuent de payer un lourd tribut à l’épidémie. Chaque année, en France, plus de 45% des nouvelles infections par le VIH concernent les hommes gays et/ou bis. A Paris, selon l’étude Prévagay, publiée en 2015, 16% des gays fréquentant les lieux de convivialité vivent avec le VIH. Néanmoins, d’autres publics sont également touchés. Comme tout sujet scientifique, traiter du VIH/sida nécessite des termes précis et respectueux des personnes concernées, en particulier quand celles-ci font partie de communautés stigmatisées.

Quelques notions 

«VIH» ou «sida»
Les deux mots ne sont pas interchangeables : être séropositif·ve ne veut pas dire «avoir le sida». Le VIH est le virus de l’immunodéficience humaine. Le sida, syndrome de l’immunodéficience acquise — sans majuscules —, est le dernier stade de l’infection par le VIH. Il se définit par l’apparition d’au moins une maladie opportuniste. Les expressions «virus du sida» ou «virus du VIH» sont incorrectes.

Dans tous les cas, on parle de personnes séropositives ou, mieux, de personnes vivant avec le VIH. C’est seulement si la maladie est déclarée qu’on peut parler de «malades du sida». «Sidéen·ne·s» et «sidaïques» – ce dernier terme ayant été forgé par l’extrême droite française – sont à proscrire.

Couple sérodifférent
Un «couple sérodifférent» (à préférer à “sérodiscordant”) est constitué d’une personne séronégative et d’une personne vivant avec le VIH.

Sérophobie
La sérophobie est une manifestation de rejet et d’aversion à l’égard des personnes vivant avec le VIH. Comme l’homophobie, elle se manifeste par des actes de violences, verbales ou physiques, ou de discriminations, flagrantes ou plus pernicieuses.

Prep
La Prep, pour Prophylaxie pré-exposition, est un traitement préventif autorisé en France (où il est remboursé par la Sécu) et dans un certain nombre de pays. Il permet à des personnes exposées au VIH de prendre des antirétroviraux, écartant ainsi le risque de transmission. Malgré son efficacité, il ne s’agit toutefois pas d’une «pilule magique» comme on peut le lire parfois dans la presse à sensation mais d’un outil supplémentaire, efficace et recommandé par l’Organisation mondiale de la santé.

Le Tasp (Treatment as Prevention)
Cela fait plus de dix ans que les spécialistes le disent : une personne traitée ne transmet plus le VIH, même dans un rapport sexuel sans préservatif ni Prep. C’est ce qu’on appelle le traitement comme prévention ou Tasp (Treatment as Prevention en anglais). Cette donnée est en train de changer la vie des personnes vivant avec le VIH et de leurs partenaires, ainsi que la dynamique de l’épidémie. Les traitements sont aujourd’hui si efficaces qu’ils rendent la charge virale —la quantité de virus en circulation dans le corps— à un niveau indétectable. C’est ainsi qu’est apparue la formule “I = I” pour indétectable = intransmissible (“U = U” en anglais, pour Undetectable = Untransmittable). Attention, le virus est toujours présent, mais en quantité infime.

D’où l’intérêt majeur du dépistage : en France, les nouveaux diagnostics de séropositivité impliquent aujourd’hui très majoritairement des personnes ne connaissant pas leur statut et/ou qui ne sont pas sous traitement efficace.

Choisir les bons mots !

Les gays ne sont pas un “groupe à risque”
Les gays et, plus généralement, les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes représentent une population beaucoup plus exposée face au VIH et non un «groupe à risque». Cette formulation alimente la stigmatisation de certaines populations. Aucun groupe n’est à risque par essence. Ce sont les pratiques sexuelles et leur répétition éventuelle qui déterminent le niveau de risque pris par une personne.

Un virus, pas une punition
Le VIH et le sida ne sont ni une punition, ni une arme. Les personnes vivant avec le VIH ne sont pas des dangers publics, surtout à l’époque du Tasp (voir plus haut). Ce n’est pas, comme on a pu l’entendre dans un documentaire sur Freddy Mercury, «le résultat d’une vie d’excès». C’est un virus. La culpabilisation, les jugements de valeur sont à proscrire. Sans valeur journalistique, ils ne font que renforcer la difficulté de vivre avec le VIH (et restent sans effet sur la prévention).

Rester factuel·le sur les avancées médicales
Les effets d’annonces, les titres racoleurs proclamant «la fin du sida», sont mensongers et contre-productifs. Plus de 35 millions de personnes vivent avec le VIH et valent mieux qu’un titre rapide qui leur donnera un espoir illusoire. Sans parler des conséquences désastreuses sur la prévention chez les lecteur·rice·s les moins informé·e·s. Devenue presque une infection chronique pour beaucoup dans l’hémisphère Nord grâce à des traitements simples et efficaces, elle reste l’une des principales causes de mortalité dans les pays en voie de développement, où l’accès aux soins reste difficile.

Pour aller plus loin…

Une stigmatisation profonde reste attachée à la séropositivité, entravant la lutte contre l’épidémie. Le rôle des journalistes est de s’assurer qu’iels ne participent pas à la propagation de ces idées reçues. Ainsi, quand une personne vivant avec le VIH souhaite garder l’anonymat, respectons sa demande : en 2019, on peut encore perdre son emploi parce que son statut sérologique a été révélé.

Oui, le sujet reste grave, mais tant a changé ces dernières années. Il est essentiel de mettre à jour ses connaissances avant de le traiter. Nous ne sommes plus à la fin des années 80. Il y a d’autres traitements possibles que le misérabilisme ou la victimisation, que ce soit dans le choix des mots (en utilisant le vocabulaire de la peur, du danger, etc.), des angles ou de la titraille.

«Les journalistes ont une grande responsabilité lorsqu’ils ou elles traitent d’une infection si particulière comme le VIH. L’information qu’ils ou elles donnent doit être juste et mesurée quant à l’avancement des connaissances scientifiques sur cette infection virale et les moyens de s’en protéger et/ou de la traiter.»

– Françoise Barré-Sinoussi, co-découvreuse du virus, prix Nobel de Médecine.

1 Comment

  1. Pour continuer dans ce sens :
    -> “population à risques” à éviter car ce ne sont pas les populations qui sont à risques, mais les pratiques (sexuelles ou autres) qui transmettent le virus et sont donc plus ou moins à risques de transmission.
    -> Pour parler des populations, parlons plutôt de “population plus exposées” ou “population particulièrement concernées” par/au virus/VIH.

    Merci beaucoup pour votre kit, c’est super !
    Stephen Karon

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