Le lobby gay et la «théorie du genre»

Où est le problème?

On entend dire ça et là, en particulier dans le camp des opposant-e-s à l’égalité, que les LGBT bénéficieraient de la protection d’un puissant lobby. Lobby qui défendrait leurs intérêts —et uniquement les leurs— et chercherait à détruire un «ordre naturel» établi depuis toujours. Ce lobby aurait en outre le but secret de détruire l’humanité en transformant les petites filles et les petits garçons en escargots via la «théorie du genre»… Quelques conseils pour éviter de nourrir les fantasmes et rester rigoureux-se.

Attention, pente glissante!

Le «lobby gay»
Ah, le fameux lobby gay! Celui qui contrôle la presse, qui place ses membres aux postes de pouvoir, qui met les politiques à sa botte, etc. Soyons sérieux… Le lobby gay n’existe pas. Il existe bien un syndicat des commerçants gay (SNEG) mais la cause LGBT n’est globalement défendue que par un tissu d’associations, parfois solidaires entre elles, mais indépendantes les unes des autres dans leur objet (LGBT, féministes, lutte contre le sida, etc.). Il s’agitd’un tissu associatif qui n’a ni loge, ni structure occulte, ni grand maître. Il convient donc de parler tout simplement d’«associations LGBT», ou d’«associations de défense des droits des personnes homosexuelles».

La «théorie du genre»
Les anti-«mariage pour tous» se sont trouvé un nouveau cheval de bataille: lutter contre la «théorie du genre» et éviter sa propagation, en particulier dans les écoles. Mais, tout comme les licornes, cette fameuse théorie n’existe pas.

Ce qui existe en revanche depuis des dizaines années dans beaucoup d’universités, c’est un champ d’études pluridisciplinaire, les gender studies ou «études de genre», qui explorent de manière transversale la construction sociale des genres et leurs représentations. L’expression «théorie du genre» est utilisée par celles et ceux qui refusent de prendre en compte les conclusions des chercheur-se-s en sciences sociales sur les distinctions qu’on peut établir entre sexe biologique ou de naissance, identité de genre et orientation sexuelle.

Ils-elles réfutent —sincèrement ou par stratégie politique— ces avancées qui mettent en péril le soi-disant « ordre naturel » dont nous parlions plus haut. Or, dissocier le sexe de naissance d’une personne de son genre est précisément ce qui permet de combattre les stéréotypes conduisant aux inégalités entre hommes et femmes. Notons enfin que réunir volontairement ces questions complexes sous un terme générique peu clair, voire mystérieux, laisse penser qu’il s’agit d’une construction idéologique basée sur de simples croyances (qu’on est libre d’embrasser ou pas) et non sur des faits scientifiques.

Mariage, PMA et GPA: des revendications différenciées
Lors des débats à l’Assemblée, PMA (Procréation Médicalement Assistée) et GPA (Gestation Pour Autrui) ont souvent été sciemment amalgamées par l’opposition pour tenter d’empêcher l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. Les opposant-e-s se sont servi des questions complexes soulevées par la GPA pour discréditer la PMA et l’ouverture du mariage. Or, de GPA, il n’a jamais été question dans le projet législatif initial.

Aujourd’hui autorisée pour les couples hétérosexuels mariés ou en concubinage depuis au moins deux ans, l’ouverture de la PMA aux couples de lesbiennes faisait partie des engagements de campagne de François Hollande, avant d’être écartée du projet de loi sur le mariage puis repoussée au calendes grecques le 27 avril 2014 par le gouvernement socialiste de Manuel Valls. Notons que l’éventuel élargissement des conditions d’accès à la PMA dépasse les questions LGBT puisqu’elle pourrait également concerner les femmes célibataires. D’ailleurs, le 2 mai 2014, le Planning familial qui «milite et se bat depuis plus de cinquante ans pour que toutes les femmes puissent disposer de leur corps librement (…) sans entrave religieuse, politique ou juridique», s’est engagé en faveur de l’accès à la PMA pour toutes.

La loi sur le mariage devait aussi permettre à l’épouse ou à l’époux d’adopter plus facilement les enfants de son conjoint (quel que soit le mode de conception) et d’avoir un statut légal, utile au bon fonctionnement et à la reconnaissance sociale des familles homoparentales. Or, cette loi, dans ses insuffisances, s’avère discriminante puisque la décision de l’adoption est confiée au bon vouloir des juges qui sont libres d’interpréter les textes selon leurs convictions personnelles (décision du TGI de Versailles en avril 2014). Encore une fois, la loi n’est pas la même pour tout le monde…

Quant à la GPA, rappelons qu’elle est totalement interdite en France et que son autorisation relèverait nécessairement d’une modification des lois bioéthiques. A l’étranger, la GPA est, en outre, très différente selon les pays qui l’autorisent : elle peut être très encadrée par certains États comme le Canada, les États-Unis ou la Grande-Bretagne, et beaucoup moins par d’autres, comme l’Ukraine ou l’Inde. Par ailleurs, la GPA ne fait pas l’unanimité au sein des associations LGBT et féministes.

Pour aller plus loin…

Communautaire ou communautariste?
Souvent confondu avec le très péjoratif «communautariste», l’adjectif «communautaire» est souvent associé, en France, à l’idée d’une grave mise en danger de la République et de son unité. Comme les autres groupes sociaux, les personnes homosexuelles se regroupent selon leurs affinités, de façon d’autant plus importante que la plupart du temps, elles ne bénéficient pas de l’aide et du soutien familial. En réalité, parler de «communauté homosexuelle» n’est pas négatif. La revendication du mariage pour tous était bien communautaire: elle émanait de la communauté homosexuelle. Pour autant, elle n’était pas communautariste, comme on l’a souvent entendu dans les médias. En effet, il ne s’agissait pas ici de diviser la République mais au contraire d’inclure en son sein un groupe de personnes; il s’agissait d’étendre un droit déjà existant à l’ensemble de la population, pas d’en attribuer un nouveau à un groupe de pression.